LITTÉRATURE : L’INDUSTRIE DE L’EDITION ET DU LIVRE EN AFRIQUE

L’INDUSTRIE DE L’EDITION ET DU LIVRE EN AFRIQUE, UNE GRAINE QUI A DU MAL A GERMER

L’Afrique et le livre, un amour qui ne date pas d’aujourd’hui, quand on sait que l’écriture est né en Afrique, plus précisément en Egypte il y’a 6000 ans. Ayant été à la base de la naissance de l’écriture, l’Afrique n’a pas su mettre en place une industrie du livre et de l’édition en vue de sa vulgarisation dans les foyers africains.

Le paysage éditorial en Afrique francophone est resté jusqu’aux années 1960 quasiment inexistant, de par la volonté de la puissance française de mettre en place un modèle bibliologique qui tendait à limiter la création de structures de production locales (imprimeries, maisons d’édition) et à promouvoir l’édition métropolitaine.

Aujourd’hui encore, la donne n’a pas radicalement changé depuis cinquante ans, et l’édition africaine surtout francophone, en dépit d’évolutions récentes notables, n’a toujours pas réussi à prendre son essor, à l’inverse de ce qui peut parfois être constaté dans la zone sous influence de la langue anglais.

L’activité éditoriale reste réduite dans l’Afrique subsaharienne francophone et l’accès aux livres y est toujours un défi à relever. Au Maghreb, en revanche, un certain essor est perceptible depuis quelques années.
Les éditions Clé, fondées en 1963 à Yaoundé par les Églises protestantes de plusieurs pays africains, sont entrées en crise à partir des années 1980 et ne publient au mieux actuellement que de vingt à trente titres par an.
Les Nouvelles Éditions africaines (NÉA), créées en 1972 à l’initiative de Léopold Sédar Senghor dans la perspective régionale qui animait le président-poète, avec des bureaux à Dakar, Abidjan et Lomé, n’ont pu réaliser les ambitions mises en elles : elles ont fini par être dissoutes en 1988, chaque filiale reprenant avec des bonheurs divers sa destinée.
Celle de Lomé a cessé d’exister, tandis que les Nouvelles Éditions africaines du Sénégal (NÉAS), après une longue période de déshérence, ont repris depuis quelques années une activité limitée.
En Côte d’Ivoire, la volonté politique a suscité en 1992, avec l’appui d’Hachette, la création des Nouvelles Éditions ivoiriennes (NÉI) qui se sont imposées depuis comme la principale structure éditoriale en Afrique de l’Ouest. Elles ont fusionné depuis peu avec le Centre d’édition et de diffusion africaine (Céda), autre fondation créée dès les débuts de l’indépendance, mais qui n’a véritablement publié qu’à partir des années 1970, sur les mêmes créneaux que les NÉI.
Alors que ces deux structures portaient les espoirs de l’édition en Afrique subsaharienne, des difficultés récurrentes ont malheureusement entravé leur développement.
L’accès à la lecture et au livre est un problème persistant dans nombre de pays, condamnant les ouvrages à un marché restreint. Ainsi que le rappelle Maurice Kouakou Bandaman, ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie : « La scolarisation est l’une des conditions, si ce n’est la condition sine qua non, pour développer une politique du livre. »

Entre autre obstacles, l’inexistence de statistiques professionnelles, mais ce niveau, l’Alliance internationale des éditeurs indépendants (AIEI) a lancé une étude, afin de réunir des données qui aideront le secteur à orienter son développement.

La situation évolue néanmoins, des politiques publiques de soutien à l’édition se développent dans différents pays, à l’image de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal.
Elles se renforcent là où elles existaient déjà, comme en Algérie et en Tunisie, qui connaissent un fort accroissement de la production de livres depuis les « révolutions arabes ».

Ces politiques se traduisent par des lois cadres à l’activité des métiers du livre, des mesures fiscales et, bien sûr, la création de fonds dédiés. On note également une tendance à structurer des réseaux professionnels, afin de mieux défendre les intérêts de la chaîne du livre.

Le marché du livre offre aujourd’hui davantage d’espérance au Maghreb, comme le manifeste la volonté de Virgin et de la Fnac de s’implanter au Maroc, à Marrakech et à Casablanca. Malgré quelques maisons pionnières dont le groupe Cérès, fondé en 1964 en Tunisie et la Société nationale d’édition et de diffusion (SNED) en Algérie
Le Maroc n’a guère connu de structures éditoriales véritablement actives jusqu’à la fin des années 1980. Bien que le paysage éditorial recense aujourd’hui quelques dizaines d’éditeurs – dont, parmi les plus actifs, La Croisée des chemins, Le Fennec, Toubkal, Tarik, Afrique Orient ou, sur le secteur jeunesse, Marsam, Yomad et Yanbow Al Kitab – la situation du livre y demeure encore mitigée.
Malgré la mise en place de quelques aides publiques et le soutien de la coopération culturelle française, le nombre annuel de publications ne dépasse guère le millier de titres, dont 300 à 400 en français, le reste étant publié en arabe, à l’exception (c’est une nouveauté) de quelques titres en berbère.
De plus, sauf parution particulière qui rencontre les questionnements brûlants de la société marocaine et peut se vendre à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, rares sont les ouvrages qui dépassent les 2000 à 3 000 exemplaires vendus.
La Tunisie est le seul pays de l’Afrique francophone à avoir véritablement élaboré les premiers éléments d’une politique nationale du livre (soutien à l’édition, compensation du prix du papier, promotion du livre tunisien, achat par les bibliothèques publiques). On y compte aujourd’hui une soixantaine d’éditeurs
Dans cette atmosphère morose, plusieurs maisons d’édition africaines ont récemment su s’imposer comme des références à l’international. C’est par exemple le cas des éditions Barzakh (Algérie), qui ont décroché le Goncourt du premier roman en 2015 avec Meursault contre-enquête, de Kamel Daoud.

On peut citer, parmi les plus remarquées, les éditions Amalion (Sénégal) ou Elyzad (Tunisie), ainsi que Cassava Republic Press (Nigéria), qui a même ouvert un bureau à Londres en 2016, choix motivé par son activité plurilingue. Autant de réussites qui ont mis en avant des noms comme Kaouther Adimi ou Yamen Manaï.

Au vue de la dynamique, créée par l’industrie de l’édition et du livre africain ces dernières années avec l’explosion des colloques, séminaires ou salons dédiés aux livres africains, on est en droit d’espérer en des lendemains meilleurs.

FADEL K.

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