En 2018, croissance record pour le marché mondial de l’art depuis 1945. Que vaut le marché de l’art contemporain africain dans cette embellie ?
Selon Artprice, leader des banques de données sur la cotation et les indices de l’art. Le marché de l’art a cru en 2018 au niveau mondial (+4%), pour la troisième année consécutive, atteignant un record absolu depuis 1945 avec 539.000 lots vendus et ce malgré un ralentissement au second semestre. Le produit global des ventes a atteint en 2018 15,5 milliards de dollars (+4%), cette croissance repose sur le marché occidental porté lui-même par les États-Unis (+18%), Royaume-Uni (+12%). L’Italie (+17%) et le Japon (+31%)
A la lisière de ces chiffres dans lesquels n’apparaît aucun pays africains, l’on est tenté de se demander, ce que vaut réellement le marché africain de l’art ce vaste et lucratif marché.
Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Afrique du Sud se distingue largement par le dynamisme de son marché de l’art. Suivi de près par le Nigéria.
Bien qu’en plein essor, le marché de l’art contemporain Africain avec un poids encore assez marginal constitue d’après les données fournies par Artprice, 0.2% du marche de l’art contemporain des ventes aux enchères (150 millions d’euros) allant jusqu’à 300 millions d’euros si l’on ajoute 1er et 2nd marché.
Considéré par les experts comme un marché jeune (10 ans) et au fur et a mesure des années, c’est un poids qui se renforce avec une forte demande. Cette demande qui s’est tout d’abord manifesté auprès des Américains et des Européens, depuis peu se voit appuyée par les acheteurs Africains qui dans certains pays connaissent une certaine croissance économique, ou l’enrichissement de la classe moyenne et la mondialisation permettent une diffusion des connaissances et des échanges.
On observe donc, un relais de croissance auprès des Africains qui s’organisent pour monter des musées, des foires et des galeries de plus en plus nombreuses comme en Afrique du Sud, au Maroc ou au Nigeria. C’est incontestablement un marché qui se développe et s’organise
Les artistes sont aujourd’hui, souvent, des entrepreneurs qui savent bien comment une cote se construit et s’entretient. Le talent reste cependant une donnée fondamentale.
Niveau représentativité à l’international, à Londres, en 2013, la Marocaine Touria EL GLAOUI créait 1:54, Contemporary African Art Fair pour répondre à la faible représentation des artistes africains dans les grandes foires internationales.
En France avec Akaa (Also Known as Africa), créée par la Franco-Américaine Victoria MANN et qui a tenu sa première édition au Carreau du Temple (Paris), fin 2016, contribuent à rehausser l’image de l’art et des artistes africains.
Sur le continent, on a la foire de Marrakech, la FNB Joburg Art Fair et la Cape Town Art Fair en Afrique du Sud, la Biennale de Dakar, les Rencontres de Bamako, la Triennale de Luanda ou du Lagos Photo Festival, pour ne citer que des événements là.
De ce côté-là aussi, les signaux sont au vert : selon Artnet News, « le nombre de biennales est passé de sept à quinze au cours des cinq dernières années ».
Du point du vue formation, sur 100 Artistes africains qui ont le plus vendus ces dernières années 62% sont passés par des écoles d’arts, 25% par des ateliers d’artistes, et 13% sont autodidactes.
Seulement 17% des artistes africains sont des femmes, mais paradoxalement, ce sont elles qui se taillent la part du lion au niveau du chiffre d’affaire avec à elles seules 52,2%.
Pour le marchand d’art ivoirien Jean-Philippe AKA, fondateur d’Artprice : « Il faut structurer ! Il y a assez de moyens en Afrique pour le faire ! Sinon comment expliquer que le Ghanéen El ANATSUI qui arrive en tête des artistes africains les plus cotés en 2014 soit crédité d’un chiffre d’affaires de plus de 4 millions d’euros et que, l’Américain Jeff KOONS soit l’artiste vivant le plus vendu au monde, avec un chiffre d’affaires de 150 millions de dollars (123 millions d’euros) »
Pour le collectionneur Jean PIGOZZI qui fut l’un des premiers à s’intéresser aux artistes africains, cet écart s’expliquerait par le fait que les africains n’achètent pas ! et il le dit : « Tant qu’ils n’achèteront pas les œuvres de leurs compatriotes, le marché ne va pas évoluer. J’espère qu’ils vont se réveiller ! »
Eduquer l’africain de sorte à ce qu’il s’approprie son art, c’est peut-être trop fort de le dire ainsi, mais aussi certainement la seule alternative pour que l’art et les artistes africains rattrape ce retard vis-à-vis des autres continents.