MEST, l’incubateur de Silicon Valley africaines

Pour y arriver, il s’appuie sur trois idées forces: innovation, excellence et créativité.

Un espace technologique de superficie relativement modeste, mais aux ambitions immenses, soulevé par une faim entrepreneuriale insatiable. La Meltwater School of Technology (ou MEST) a été fondée en 2008 à Accra, la capitale bouillonnante du Ghana et de ses 26 millions d’habitants. En quelques années seulement, elle s’est imposée comme l’un des incubateurs de start-up technologiques les plus inspirants d’Afrique de l’Ouest. Et surtout un hub numérique parmi les plus influents parmi la centaine qui composent la scène Tech et startup africaine en 2015.

MEST est à la fois une école d’informatique, une académie entrepreneuriale et un incubateur de start-up. Il s’agit d’une filiale de Meltwater, une multinationale suédoise spécialisée dans l’analyse de données en ligne qui a décidé de lancer un incubateur de start-up innovantes en Afrique pour lutter contre le chômage des jeunes ghanéens et contribuer au décollage numérique du continent à travers la promotion de l’innovation technologique.

La mission principale de MEST est d’apprendre aux jeunes Ghanéens à coder le plus rapidement possible pour pouvoir créer des applications mobiles dès les premiers mois et découvrir, chemin faisant, les joies (et les difficultés) de l’entrepreneuriat numérique.

Mais MEST, c’est aussi une marque, et une discipline bien rôdée depuis 7 ans : ici, dès la première année les étudiants africains sont fortement encouragés à intégrer et surtout à cultiver un « mindset » entrepreneurial qui saura faire la différence face aux futurs compétiteurs africains et globaux. Autour de trois idées force : l’innovation continue, l’excellence et surtout la quête constante de créativité.

Un parcours intensif de deux années, avec l’appui sans failles de mentors de la Silicon Valley qui viendront régulièrement (en moyenne tous les 3 mois) faire le pèlerinage entrepreneurial à East Legon, le quartier cossu d’Accra qui abrite le siège de MEST.

Viser plus haut

Qu’ils soient « Serial entrepreneurs », Investisseurs ou Corporates collaborant au quotidien avec des startups aux Etats-Unis, ces mentors viennent pour la plupart munis de leurs précieux carnets d’adresses de San Francisco. Mais ils viennent en premier lieu pour apprendre aux étudiants de MEST à lancer une start-up, à pitcher sans faillir devant des investisseurs pressés par le temps, à penser très vite monétisation et « scalabilité » d’un business model. Bref, à ne pas avoir froid aux yeux en ayant le bon « focus » et surtout en étant « disruptif », très tôt et très vite. Afin d’être leader sur leur marché au Ghana et au Nigeria d’abord, puis progressivement à travers toute l’Afrique. C’est le cas de la start-up Beam dans les Bitcoins, ou de Suba App dans le partage de photos en ligne.

Une approche audacieuse, offensive qui pousse les start-up à viser plus haut, plus loin pour partir à la conquête du monde entier. Des vœux pieux ? Loin de là. MEST regorge de « success stories » de start-up ghanéennes ayant aujourd’hui pignon sur rue au cœur même de la Silicon Valley.

Prenons le cas emblématique de l’interface de messagerie B2C Dropifi, cette startup ghanéenne formée à MEST et qui en 2013 devint la première start-up africaine à rejoindre le célèbre accélérateur de la Silicon Valley, 500 startups. Ou encore le service de marketing mobile via SMS NandiMobile, une start-up d’Accra qui, elle aussi, fit des étincelles du côté de San Francisco, en arrivant en tête d’une compétition de start-up internationales et coiffant au poteau plus de 100 jeunes pousses concurrentes.

Solidité de la scène tech

Lors de mon exploration en octobre 2014 de l’écosystème startup au Ghana avec StartupBRICS.com et le projet #TECHAfrique, j’ai pu au fil des semaines sourcer et rencontrer un grand nombre de start-up ghanéennes. J’ai pu mesurer la solidité de l’écosystème startup ghanéen, en particulier du fait de sa diversité : la scène tech locale est animée par un réseau local solide d’espace propice à l’innovation avec des incubateurs et espace de coworking comme MEST, HubAccra ou ISpace.

Des start-up à succès qui aujourd’hui veulent partager leur expérience (les succès comme les échecs) avec la communauté jouent aussi un rôle stratégique dans la dynamisation de l’écosystème ghanéen, comme Dropifi de nouveau, qui souvent s’exprime durant des Masterclass. L’écosystème peut également compter sur le retour des talents de la diaspora, revenus au pays lancer leurs propres start-up tout en apportant des idées nouvelles.

Mais pour beaucoup d’acteurs de l’innovation vivant au Ghana, MEST reste l’un des principaux catalyseurs de l’environnement technologique local. Et surtout un modèle pour la sous-région. Niché entre le Togo (Lomé n’est qu’à deux heures en voiture d’Accra), le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, le Ghana et ses centaines de start-up numériques peuvent et doivent dès aujourd’hui inspirer l’Afrique francophone.

 

Samir Abdelkrim , Le Monde

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