Le paludisme reste une menace majeure, particulièrement en Afrique subsaharienne où sévissent à la fois les espèces d’anophèles (le vecteur du paludisme) les plus efficaces, et le parasite Plasmodium falciparum, responsable d’une grande majorité des décès, imposant un lourd tribut humain et économique.
Malheureusement, selon le dernier rapport mondial de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) sur le paludisme en 2018, le nombre de cas de paludisme a augmenté dans plusieurs pays, principalement africain, suggérant que les progrès ont stagné depuis 2014 dans la lutte mondiale contre la maladie.
Cette stagnation, a un fort impact négatif sur le développement de l’Afrique.
Sur le plan économique, le paludisme peut avoir des effets économiques, et humains non négligeables en Afrique.
En effet, le paludisme augmente la mortalité infantile et la fécondité. Réduit également l’offre de main-d’œuvre adulte et le niveau de scolarité. Le paludisme a des effets méconnus sur l’éducation, via ses effets sur l’absentéisme scolaire, sur les résultats scolaires, et sur les taux de redoublement ou d’achèvement.
Plus largement, le paludisme affecte la cognition des enfants qui constitueront les forces vives du développement de demain.
Tous ces mécanismes affectent le développement économique et humain et entretiennent des pièges de pauvreté.
Ceci s’explique par le fait que l’aide internationale allouée au paludisme, n’est plus une priorité, même si elle peut être très efficace. Cette aide décline pour plusieurs raisons.
Elle décline du fait d’un passage des Objectifs du Millénaire aux Objectifs de Développement Durable et donc d’un changement de paradigmes.
Elle décline du fait des difficultés à évaluer son efficacité de façon ciblée et convaincante.
Enfin, elle est probablement victime de son succès : le paludisme en tant que menace déclinante ne constituerait plus une priorité.
Les gouvernements africains pourraient également intensifier leurs efforts en matière de financement de la santé et de mobilisation des ressources nationales pour aller au-delà de l’aide.
Certains acteurs économiques, comme la Banque Africaine de Développement, s’inquiètent de la recrudescence du paludisme dans la région et plaident en ce sens.
Le paludisme contraint les économies nationales et appauvrit les ménages africains. L’Afrique devrait par conséquent investir dans la fabrication locale de médicaments génériques à faible coût pour faciliter l’accès au traitement pour ses habitants.
Pour lutter contre cette maladie, La Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030, qui adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2015 (OMS), constitue un cadre technique pour tous les pays d’endémie.
Elle est censée orienter et soutenir les programmes régionaux et nationaux qui s’efforcent de combattre et d’éliminer le paludisme.
Cette stratégie fixe des buts ambitieux mais réalistes à l’échelle mondiale:
• Réduire de 40% l’incidence du paludisme au plan mondial par rapport d’ici à 2030.
• Réduire de 40% les taux de mortalité palustre au plan mondial d’ici à 2030.
• Éliminer le paludisme dans au moins 10 pays d’ici à 2030.
• Empêcher la réapparition du paludisme dans tous les pays exempts.
Cette stratégie est le fruit d’une large consultation menée pendant 2 ans, à laquelle ont participé plus de 400 experts techniques de 70 États Membres.
Mais le rapport 2018 de l’OMS vient confirmer la tendance entrevue l’an passé, à savoir que l’objectif essentiel de la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030 « réduire les cas et les décès dus au paludisme » d’au moins 40 % d’ici à 2020 -, ne sera pas atteint.
En 2017, 219 millions de cas ont été recensés par l’OMS, tandis que le paludisme a causé la mort de 435 000 personnes cette année. L’Afrique reste le continent le plus touché par la maladie.
Tour d’horizon des chiffres clés pour le continent africain :
• 92 % de cas en Afrique
Au niveau mondial l’OMS recense dans son rapport une légère augmentation du nombre de cas de paludisme en 2017 avec 219 millions de personnes touchées contre 217 millions en 2016. 92 % de ces cas se trouvent en Afrique, soit 200 millions de victimes.
• 47 % des cas dans quatre pays
80% des cas de paludisme en 2017 sont concentrés en une quinzaine de pays d’Afrique subsaharienne et l’Inde. 47 % du nombre total de cas sont situés dans quatre pays du continent : le Nigeria (25%), la République démocratique du Congo (11%), le Mozambique (5%) et l’Ouganda (4%).
• 93 % des décès en Afrique
À l’échelle mondiale, le nombre de décès liés au paludisme a connu une légère baisse par rapport à 2016, avec 435 000 morts en 2017 contre 451 000 l’année précédente. Un chiffre à mettre en perspective avec les 607 000 décès enregistrés en 2010. Pour autant, l’Afrique enregistre à elle seule 93 % de ces décès. Signe positif, cependant, la baisse de la mortalité observée au niveau mondial a été particulièrement forte sur le continent, qui compte pour 88% des 172 000 morts en moins constatés depuis 2010.
• 6 pays africains concentre la moitié des décès
Six pays africains réunissent 49 % des décès dus à la maladie. Le Nigeria (19 %), la République démocratique du Congo (11 %), le Burkina Faso (6 %), la République-Unie de Tanzanie (5 %), la Sierra Leone (4 %) et le Niger (4 %)
• 2,2 milliards de dollars
La baisse de l’investissement est l’une des principales sources d’inquiétudes relevées dans le rapport de l’OMS. 3,1 milliards de dollars ont été investis au total par les gouvernements des pays d’endémie et les partenaires internationaux pour le contrôle et l’élimination du paludisme, soit un peu plus qu’en 2016.
De ce budget, 2,2 milliards de dollars des investissements réalisés sur l’année ont été fait en direction de l’Afrique, contre 300 millions pour l’Asie du Sud-Est. Les États-Unis restent les principaux bailleurs de fonds internationaux (1,2 milliards de dollars).
• 95 % de baisse de financement au Congo
Dans 24 des 41 pays où le paludisme sévit le plus, lesquels dépendent en principalement des financements externes pour lutter contre le paludisme, le niveau moyen de financement disponible par personne à risque a diminué sur la période 2015-2017 par rapport à 2012- 2014. La baisse oscille entre 95 % (au Congo, la plus forte) et 1 % (en Ouganda, la plus faible).
• 50 % de la population sous moustiquaires
Le rapport de l’OMS estime que 50 % de la population en Afrique à risque dort sous moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII) contre 29% en 2010. La part de la population à risque protégée par pulvérisation intradomiciliaire d’insecticide a en revanche diminué, puisque cette mesure préventive concernait 80 millions de personnes sur le continent en 2010 contre 64 millions en 2017.
• 436 000 cas en moins au Rwanda
Parmi les rares bonnes nouvelles à souligner dans le rapport, le Rwanda et l’Éthiopie ont respectivement enregistrés une baisse de 436 000 et 240 000 cas par rapport à 2016. Preuve que la lutte progresse à certains endroits, même si les objectifs de l’OMS sont loin d’être atteints.
FADEL K.
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